Avec une approche innovante en matière de collaborations et de programmes, la recherche a été déterminante pour l’essor de la géothermie. La transition écologique lui offre aujourd’hui de nouvelles perspectives.
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Au début des années 1980, les pouvoirs publics décident de soutenir massivement le développement de la géothermie profonde. La géothermie se développe ainsi principalement en régions parisienne et aquitaine. Près d’une centaine d’opérations de chauffage de logements via des réseaux de chaleur seront réalisées entre 1980 et 1986. Un accord-cadre, entre l’AFME (l’agence ayant précédé l’ADEME) et le BRGM se traduit en 1983 par la création à Orléans de l’Institut mixte de recherche en géothermie (IMRG), sur le site du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), avec une trentaine de chercheurs. Cet institut va jouer un rôle déterminant pour la pérennité de la filière géothermie. En effet, la plupart des opérations réalisées dans le Bassin parisien commencent à connaître, dès 1985, de sérieux problèmes de corrosion liés à l’agressivité du fluide géothermique exploité. Les recherches menées par l’IMRG vont permettre de concevoir des solutions techniques pour y remédier. Deux tiers des opérations seront ainsi sauvées grâce à la mise en place de dispositifs de prévention contre la corrosion ; ce qui permettra leur maintien en fonctionnement pendant plus d’une vingtaine d’années supplémentaires. Aujourd’hui, toutes ces anciennes opérations ont été réhabilitées et vont ainsi pouvoir être exploitées pendant encore une quarantaine d’années. Dans le même temps, de nouvelles opérations ont été réalisées, capitalisant tout le savoir-faire acquis. Sans la R-D, la géothermie profonde telle qu’elle existe aujourd’hui en France – la région parisienne est la région au monde qui présente la plus grande densité d’installations en fonctionnement – ne serait pas ce qu’elle est.
Le programme européen de géothermie profonde : un projet exemplaire
L’activité de recherche en géothermie en France a permis également de développer de nouveaux concepts partagés au niveau international, notamment dans le domaine de la géothermie très profonde. En 1982, le projet de recherche Energeroc, s’inspirant des recherches menées par les Américains sur le site de Los Alamos au Nouveau-Mexique, consiste à montrer qu’on peut extraire cette énergie du sous-sol, n’importe où. Cependant, face à l’importance des dépenses à engager, le ministère de la Recherche propose en 1984 une alternative en demandant à l’AFME de conduire avec le BRGM un programme de recherche plus réduit dénommé Geoproge (pour Géothermie profonde généralisée), avec des expérimentations à réaliser dans le Massif central, pour mieux appréhender les problématiques posées. L’intérêt des premiers résultats amène la France à se rapprocher de l’Allemagne, également engagée sur ce type de recherches, pour mutualiser les moyens nécessaires. Ainsi naît en 1987 le site d’expérimentation unique à Soultz-sous-Forêts, en Alsace du Nord. Le projet va devenir, à partir de 1989, le programme européen de géothermie profonde, financé à parité par la France, l’Allemagne et l’Europe et pour partie par les industriels. Il va durer vingt-cinq ans. Il mobilisera la communauté scientifique française et internationale ainsi que les industriels, préfigurant ainsi un mode de recherche collaborative original.
La recherche en géothermie au service des territoires
Dans les DROM insulaires, la majeure partie de l’approvisionnement en électricité est réalisée par des centrales thermiques diesel. Le développement des énergies renouvelables en substitution à cette énergie fossile est donc un double enjeu, économique et environnemental. Parmi les énergies renouvelables, la géothermie est la seule qui peut, par sa disponibilité permanente, contribuer comme énergie de base au réseau électrique. Par ailleurs, le contexte volcanique de ces îles en fait une énergie adaptée, dont les coûts de revient sont compétitifs par rapport à ceux des énergies fossiles. Une seule centrale est actuellement en fonctionnement, celle de Bouillante, en Guadeloupe. D’une puissance totale de 15 MW, elle assure 7 % de la production d’électricité de l’île. Grâce aux recherches menées pendant les années 2000 pour mieux comprendre le fonctionnement du réservoir géothermique exploité, le site, avec de nouveaux projets de centrales, pourrait fournir 20 à 30 % de l’électricité produite en Guadeloupe à l’horizon de dix ans.
Les sciences humaines et sociales pour mieux appréhender le sous-sol
En matière d’énergies renouvelables, l’intégration environnementale et sociale réussie des projets est un enjeu essentiel. La géothermie n’échappe pas à cette problématique, cela d’autant plus que le sous-sol dont elle exploite les ressources est un domaine largement méconnu du grand public. Cette méconnaissance peut constituer un obstacle au développement des projets. Le projet de R-D, GEFISS, cofinancé par l’ANR et l’ADEME, a pour ambition de lever ce frein. Rassemblant une équipe pluridisciplinaire composée d’experts en sciences humaines et sociales, en sciences de la terre, de spécialistes de la concertation, ainsi que de représentants de l’industrie, sa finalité est de proposer un ensemble de méthodes visant à favoriser l’engagement des parties prenantes, notamment les populations, dans un dialogue constructif autour de la réalisation des projets exploitant le sous-sol à des fins énergétiques (géothermie, stockage d’énergie, stockage du CO2…)